vendredi 19 décembre 2008

Raphael Elizé, premier Maire noir en metropole


Avant lui, il n'y avait jamais eu de maire noir en métropole. C'était en 1929 à Sablé-sur-Sarthe, la ville de François Fillon. Un symbole ! A quand l'Obama francais ?

"Les maîtres sont ceux qui nous montrent ce qui est possible dans l'ordre de l'impossible", disait Paul Valery. Si méconnu soit-il, Raphaël Elizé est l'un d'eux. Ce 19 mai 1929, les habitants de Sablé-sur-Sarthe choisissent pour maire ce martiniquais de 38 ans, arrière petit-fils d'esclave. Soixante ans avant l'élection de Koffi Yamgnane à Saint-Coulitz (Finistère). Refugié avec sa famille à Paris après l'éruption de la montagne Pelée, en 1902 (30 000 morts), Raphaêl poursuit d'abord des études vétérinaires à Lyon. Conformément aux voeux de son père, un franc-maçon pétri de valeurs républicaines, persuadé que l'éducation est le meilleur moyen de réduire les inégalités sociales. Diplomé en 1914, Raphaël est enrôlé trois semaines plus tard dans le terrible 36è régiment colonial d'infanterie. Le miraculé de l'éruption survit, une fois encore, à une épreuve meurtrière. En 1919, il reçoit la médaille militaire puis s'installe comme vétérinaire, avec sa femme, Caroline, à Sablé-sur-Sarthe - un pur hasard : un poste y était disponible. "Imaginez la tête des paysans qui l'ont vu arriver pour aider leurs vaches à véler!" plaisante le producteur Olivier Roncin, qui prépare un film sur sa vie. Très vite, pourtant, il impose le respect à la population. "Il a su allier la finesse de son travail à une force physique à toute épreuve" vante l'un de ses confrères.

RAPHAEL ELIZE


"C'était un homme hyperactif, cultivé et profondément altruiste", se souvient Louise Oliva, 85 ans, une nièce éloignée. Dans les années 20, il s'implique beaucoup dans la vie locale. Le voici président du comice agricole, de la commission administrative de l'hospice, vice-président du comité cantonal de soutien au Cartel des gauches, conseiller municipal... jusqu'à ce jour de 1929 où, après une campagne rude, lui, Martiniquais noir et socialiste, devient le premier édile de cette bourgade qui sera, beaucoup plus tard, le fief de François Fillon.
"Ce fut un homme de progrès, à l'origine de la création de la cantine communale, du terrain de football, de la première piscine homologuée de l'Ouest", précise Marc Joulaud, actuel maire (UMP) de la commune.



La place de la mairie porte son nom

En 1935, Elizé est réélu. Mais, deux ans plus tard, sa vie bascule, Janine, sa fille unique, meurt d'une péritonite à l'âge de 17 ans. Un deuil qu'il surmonte avec dignité. "Je ne l'ai jamais vu triste; il semblait pouvoir tout supporter", reprend Louise Oliva, qui a vécu chez eux en 1939.
Destituépar les Allemands en 1940 (*voir plus bas), il s'engage dans la Résistance. Torturé par la Gestapo, puis déporté à Buchenwald en 1943, il survit jusqu'à ce que, le 9 février 1945, par une tragique ironie de l'Histoire, un aviateur Anglais bombarde son baraquement par erreur...
En souvenir de ce parcours hors normes, la place de la mairie de Sablé porte son nom depuis la fin de la guerre. Exceptionnelle et méconnue, la vie de raphaël Elizé laissait penser que l'élection d'un noir se généraliserait en France. Mais, quatre-vingt ans plus tard, l'Assemblée nationale ne compte, parmi les députés de métropole, qu'une députée de couleur...
Eva Hamzaoui
Photo : DR

Destitué par l'occupant en 1940

"Ainsi qu'il a été signalé, le maire de Sablé est un officier français et mulâtre (...). Il est incompréhensible pour le ressentiment allemand et pour le sens du droit allemand qu'un homme de couleur puisse revêtir la charge de maire (...). Il est insupportable (pour) l'armée allemande de reconnaître comme maire en territoire occupé un homme de couleur, ni de discuter de lui".
Extrait de la lettre de destitutionde la feldkommandantur, le 9 août 1940.

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